Par Jacques VIRET vers 2012
1- de sa mort à son enterrement
Bayard meurt le 30 avril 1524 à quelques km de Rovasenda, en assurant la retraite de l’armée française. Dès le lendemain, et après que sa dépouille ait probablement été placée dans un cercueil poissé, un convoi funèbre le ramène en France, d’abord sous escorte espagnole jusqu’à Turin où il arrive après quelques péripéties le 9 mai. (En fait, l’amiral Gouffier, seigneur de Bonnivet et commandant l’armée française a déjà quitté Ivrea, poursuivant sa retraite. Or Ivrea était le but de l’escorte espagnole, qui revient donc à Turin pour demander des instructions). L’escorte espagnole repart alors en direction du col de Montgenèvre où une escorte française prend le relais. La dépouille de Bayard arrive finalement à Grenoble le 20 mai 1524, c’est à dire trois semaines après sa mort.
Les versions varient quant à la suite immédiate qui est donnée à cette dépouille. L’historien Pilot de Thorey indique que dès le 21 mai, une cérémonie officielle est organisée pour célébrer les obsèques de Bayard, suivie dès le lendemain de son inhumation dans la chapelle du couvent des Minimes de la Plaine à Saint Martin d’Hères. Ce dernier est en fait un monastère fondé par l’oncle du chevalier, l’évêque Laurent 1er Alleman, en 1446.
L’historien Camille Monnet, se fie de son côté aux comptes extrêmement précis de l’Evêché. Le livre de compte indique qu’une cérémonie solennelle du « chanter », en fait, ses véritables obsèques auraient eu lieu le 5 juillet 1524 en présence de beaucoup de monde, et présidée par l’évêque Laurent 2 Alleman, (Laurent 1er est en effet décédé en 1520) qui n’est revenu d’un voyage à Toulouse que le 24 juin, retenu dans cette ville pour un procès contre ses propres chanoines toulousains. Après avoir présidé cette cérémonie, l’évêque ne fera finalement déposer le corps de Bayard que seulement le 24 Août 1524 dans un tombeau vouté dont il aura fallu attendre la fin de la construction, tombeau situé dans le cœur de l’église du couvent.
Le délai entre la mort de Bayard (30 avril) et son inhumation dans le tombeau (24 août) est donc maintenant de presque 4 mois. On est donc en droit de se demander comment ce corps a pu être protégé de la putréfaction durant 120 jours, et qui plus est, pratiquement en plein été. Il n’existe que des suppositions : un cercueil poissé (mais est-ce suffisant ?), un cercueil plombé ? (mais il n’en a jamais été question dans les fouilles ultérieures), un ou des embaumements successifs ? (là encore aucune allusion précise).
2 – les vicissitudes de la dépouille
En 1714, le couvent est endommagé par un incendie, puis en 1793, il subit de nouveau des dommages au cours de la révolution. Il est ensuite racheté par un avocat parisien (Jean François Michel), qui s’engage à toujours respecter la dépouille de Bayard
En 1822, le baron d’Haussez, alors préfet de l’Isère, décide de faire effectuer des fouilles dans la chapelle du couvent, au pied d’un mausolée de marbre surmonté d’un buste de Bayard. On y découvre des ossements qui, naturellement, sont attribués à Bayard, mais à l’issue d’une identification très superficielle par des notables, et surtout sans réellement de compétences ni médicales ni anatomiques. Ce sont pourtant ces ossements qui seront transférés très solennellement à la collégiale Saint André à Grenoble, où ils se trouvent encore. C’est l’année suivante que fut érigée la statue de Bayard embrassant son épée au centre de la place Saint André.
Les restes de Bayard semblent dès lors progressivement oubliés, au profit peut être de son mythe qui se développe considérablement…jusqu’à ce que le Maréchal Foch demande, peut après la fin de la guerre de 1914-1918, que les restes de Bayard soient transférés au Panthéon à Paris.
C’est alors qu’un grenoblois, Henri Rousset, intervient pour dire que la dépouille de Bayard ne se trouve pas à la collégiale Saint André. Elle se trouverait toujours au couvent des minimes, mais dans le tombeau des Bourchenu et non pas dans celui des Alleman. Il tient cette information d’un testament retrouvé par l’historien Pilot de Thorey dans les archives du château d’Uriage. Il s’agit du testament de Gaspard de Bourchenu, datant de 1616. Gaston Letonnelier, alors directeur des Archives Départementales de l’Isère, reprendra d’ailleurs cette étude.
Finalement, ce n’est qu’en 1937 que Henri Rousset obtient l’autorisation de faire de nouvelles fouilles, plus minutieuses que celles du baron d’Haussez, et à la place indiquée par ledit testament.
Toujours d’après ce testament, le cercueil de Bayard est celui de gauche. On trouve effectivement un cercueil à la place indiquée, il est en châtaigner et non pas en noyer. Les ossements y apparaissent noircis. Henri Rousset envisage deux possibilités pour expliquer ce noircissement : ce dernier pourrait être dû soit à la rouille d’un casque et d’une armure attaqués par l’eau depuis quatre siècles, soit par la poix d’un cercueil poissé. Les deux autres cercueils appartiendraient, toujours sur la base des documents, à Aymar et Gaspard de Bourchenu.
Après une petite bataille d’influence entre la mairie de Saint Martin d’Hères et la préfecture de l’Isère revendiquant toutes deux le cercueil de Bayard, les ossements des trois dépouilles sont placés dans trois caisses neuves, qui sont finalement entreposées dans les combles de la mairie de Saint Martin D’Hères.
Cependant, lorsque les allemands envahissent la région en 1943, et pensant que ces boites renferment des armes cachées, ils les ouvrent et trouvent des os, qu’ils replacent sommairement dans les caisses en les mélangeant.
En 1966, le maire de Saint Martin d’Hères et le préfet de l’Isère donnent leur accord pour faire étudier le contenu de ces trois caisses. Les ossements, déjà mélangés, sont alors réunis dans une seule caisse.
Ces ossements seront finalement étudiés successivement par le professeur François Calas, de la faculté de médecine de Grenoble en 1966, puis par madame Claude Olive, anthropologue spécialisée en archéologie, en 1985. Ces études n’apporteront aucun résultat tangible, sinon une quantité d’ossements (os et fragments d’os) dépassant la centaine.
3 – Bilan actuel (2012)
Malgré tous les rebondissements de cette recherche des ossements de Bayard, il semble quand même probable que la dépouille de Bayard soit celle trouvée dans le caveau des Bourchenu à Saint Martin d’Hères.
Mais nous sommes en présence d’un nombre d’ossements dépassant largement celui de trois corps, même incomplets. Cependant, si l’on se reporte au testament originel de Gaspard de Bourchenu, repris par l’historien Pilot de Torey, il devait y avoir dans ce tombeau non seulement les restes de Bayard, de Aymar et Gaspard de Bourchenu, mais de plus, ayant été ajoutés ultérieurement, ceux de Nicolas de Bourchenu et de son fils Claude, de la mère de Gaspard et de ses deux épouses, soient au moins les restes osseux de huit dépouilles. Cela correspondrait globalement, d’ailleurs aux nombres d’ossements isolés par le professeur François Calas et madame Claude Olive.
Gaspard de Bourchenu, ayant conscience de la petitesse de son tombeau, avait lui-même préconisé de réunir ultérieurement à sa mort les ossements de certains membres de sa famille, sans vraiment donner de consignes très précises.
4- On a retrouvé Bayard
Depuis l’écriture de cet article par notre regretté ami Jacque Viret, des avancées significatives ont été faîtes notamment avec la découverte d’ossements pouvant appartenir à Bayard.
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