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"L'Histoire de Bayard" -BD- ©Les Amis de Bayard / Ed Glénat

Compte rendu Conférence de Laurent Vissière

AUTOUR DE BAYARD

La vie quotidienne d’un capitaine et de ses hommes au début du XVIe s.

Par Laurent Vissière Docteur et professeur en histoire médiévale

Tel était le titre de la conférence donnée le 15 janvier par Laurent Vissière, agrégé d’histoire et spécialiste de l’histoire médiévale. Les Amis de Bayard avait invité leurs adhérents et amis à cette manifestation à Pontcharra, et  qui a eu un franc succès.

 

Comme l’indique le titre, Laurent Vissière adopte un point de vue moins classique, complémentaire (si ce n’est à l’opposé) de la légende et des faits d’armes bien connus : il évoque le quotidien du chevalier Bayard, son humanisme, les difficultés qu’il pouvait rencontrer à cette époque, le socle sur lequel s’appuie l’Histoire.  

 

Cet article ne saurait reproduire tous les aspects abordés lors de cet exposé particulièrement dense, toutes les anecdotes tirées d’une recherche documentaire approfondie. Basé sur des notes prises en séance, l’article se veut dans l’esprit de cette intervention à la fois très concrète et captivante de bout en bout.

Laurent Vissière

Ancien élève de l’École Normale Supérieure, agrégé d’histoire, archiviste paléographe et docteur en histoire, M. Vissière est un spécialiste du Moyen Âge tardif. Après avoir été maître de conférences en histoire médiévale à l’université Paris-IV, il est actuellement professeur à l’université d’Angers.

 

Ses premières recherches ont porté sur la période des guerres d’Italie et particulièrement sur les liens et oppositions, tant politiques, militaires que culturels, ce qui l’a amené à consulter de nombreuses chroniques et documents d’archive, dont il a tiré les éléments présentés lors de la conférence.

 

Il est l’auteur d’une dizaine de publications et a reçu le Prix Gobert 2010 de l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres. Il est également co-auteur de l’ouvrage récent « L’énigme Bayard », un travail scientifique et loin du roman, qu’il a dédicacé en fin de séance.

L Vissière - conférence les amis de Bayard
Conférence

Laurent Vissière a développé plusieurs aspects de la vie quotidienne d’un capitaine au milieu de ses hommes au début du XIVè siècle, rassemblés par thèmes dont certains, bien-sûr traités dans le contexte la culture de l’époque, sont toujours d’actualité. Les autres, dont l’intérêt est davantage historique, ont été présentés avec un sens du détail qui fait tout le sel de la conférence

conférence L Vissière - les amis de Bayard
©les amis de Bayard
  • On ne sait pratiquement rien de l’enfance de Pierre Terrail, seigneur de Bayard : né dans une famille de la petite noblesse dauphinoise, dans une simple maison-forte du XVè siècle encore visible sur les hauteurs de Pontcharra. S’il peut entrevoir une carrière militaire, destin classique du cadet de famille, c’est grâce à la générosité de son oncle Laurent Alleman, évêque de Grenoble, car il fallait de l’argent pour s’équiper, et se déplacer à cheval était un signe de richesse.

 

  • Les anecdotes tirées des biographes admirateurs, décrivant l’enfance d’un chef, sont davantage des récits convenus, qui déjà amorcent la légende. Page à 12 ans à la cour du duc de Savoie, il est surnommé Piquet (différentes interprétations) il devient rapidement un homme d’armes, s’engage dans des tournois, reçoit une éducation complète, s’affirme comme un meneur d’hommes. 
  • Il vise les compagnies d’ordonnance du roi pour l’ascension sociale, et la guerre arrive pour lui à point nommé : ces compagnies, formées par ordonnance royale, offrent 2 avantages : une solde régulière en temps de paix, des occasions de butins en temps de guerre. Elles sont devenues au fil du temps des unités d’élite de mieux en mieux formées. 
conférence L Vissière autour de Bayard - illustration lances

Les engagements successifs de Bayard lui offrent des promotions : à la tête d’une lance = 6 hommes, puis 30, puis 80, et vers la fin à la tête de de 100 lances, avec le grade de capitaine, des places d’ordinaire réservées à la haute noblesse.

Ses faits d’armes lui valent une promotion par le rang, une belle carrière militaire sur 30 ans, jusqu’à sa mort, avec quelques interruptions dans des positions autres, administratives, où son humanisme se manifeste, notamment comme gouverneur au temps de la peste. Mais il est toujours prompt à reprendre du service.

conférence L Vissière autour de Bayard - illustration combat
  • La réalité quotidienne de la vie militaire est moins brillante : on s’ennuie en temps de paix, et la vision de la guerre d’en bas que nous donne M. Vissière est loin du panache ! Le roi ne fournit rien, la troupe vit sur le commun, il n’y a pas d’intendance, on pouvait manquer de tout, en premier de nourriture, obligés de prendre une ville pour constituer des réserves, sans autre justification.
  • Les problèmes pratiques sont légion, la médecine et la chirurgie militaires sont sommaires, l’hygiène épouvantable (on peut polluer sa propre nappe phréatique par ignorance de la pollution apportée par le purin des chevaux). Il y a 3 fois plus de morts de maladie qu’au combat, seuls les plus résistants survivent. On se déplace avec des troupeaux, les populations rencontrées doivent cacher les leurs, les filles et les objets de valeur, mais néanmoins nourrir ces soldats, ouvrir à qui cogne à la porte, dans l’espoir de les voir avancer sur leur route le plus vite possible, aller semer la désolation plus loin.
conférence L Vissière autour de Bayard - illustration chateau

La guerre est l’occasion de s’enrichir, des bandes dépendent de capitaines auto-proclamés, le roi lui-même ne sait pas qui combat en son nom, les pillages sont la norme. Les chevaliers et encadrants de l’éducation de Bayard apportent bien des gages de bonne conduite : on pend pour l’exemple un soldat dont les exactions sont trop outrancières, mais dans l’ensemble personne ne rend de comptes.

La technologie militaire progresse (voir l’article sur le siège de Mézières), l’arme à feu apparait sur les champs de bataille, Bayard en est mort (tir d’arquebuse dans le dos). Les archers adoptent l’arbalète, le pistolet apparaitra plus tard au XVIè siècle. On assiste à des scènes anachroniques de cavaliers chargeant une artillerie : l’hécatombe qui en résulte n’est pas une mort normale, les combats antérieurs faisaient moins de morts, on faisait des prisonniers pour la rançon : les temps changent !

conférence L Vissière autour de Bayard - illustration Mort Bayard
  • Bayard a passé les 2/3 de sa vie « sous le harnois », aux avant-postes, plusieurs fois blessé, loyal, courageux, empreint d’humanité. Il inspire le respect (parfois attise les jalousies), s’impose par l’exemple. Champion de l’escarmouche, ses opérations « commando » font sa gloire, par exemple la capture d’un chef ennemi. On le dit bon vivant, il vit comme ses soldats, partage leur quotidien, la même nourriture, les logis de fortune, aime plaisanter avec eux, même une fois devenu un chef reconnu. Sa popularité est exceptionnelle, ses soldats suivent leur champion, le célèbrent dans leurs chansons de marche.
  • Il conserve une attitude noble, avec un code d’honneur. Les chroniqueurs rapportent qu’il s’opposait à la violence systématique, respectait les femmes, se montrait juste et même large envers des frères d’armes, partageant le butin avec eux. Désintéressé, il refuse la forte somme d’argent que lui proposait en fin de séjour l’hôtesse italienne d’une maison réquisitionnée, reconnaissante qu’il l’ait épargnée ainsi que ses filles : il préfère leur laisser l’argent pour la dot des demoiselles. Il s’oppose à un plan d’empoisonnement du pape, alors ennemi, trouvant que le procédé dépasse les limites.
conférence L Vissière autour de Bayard - illustration chanson

Quintessence de la chevalerie française, Bayard a été hors du commun, une célébrité qui a su rester simple, une exception dans le contexte de guerre sans lois et de hiérarchie pesante de son temps.

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